"Pour le gouvernement, les collectivités locales sont une variable d'ajustement"

Dans l'Humanité Dimanche. Entretien avec André Laignel, maire ps d’Issoudun (Indre) et président du Comité des Finances Locales (CFl).
HD. Rejoue-t-on, comme avec l’État, le même scénario de la dette pour étouffer les collectivités locales ?
ANDRÉ LAIGNEL. Dans ce cas l’Europe n’a rien à voir, il s’agit d’une vision franco- française. Bercy, la technocratie en un mot, considère que moins il y a des services publics locaux, mieux ce sera. C’est une vision réductrice du rôle des collectivités territoriales.
 
HD. Quels sont alors les objectifs visés ?
A. L. D’abord de réduire le nombre de collectivités. Ramener le nombre de niveaux à deux, en étouffant les communes et en tuant les départements. D’ailleurs, ce n’est pas nouveau, cela figurait déjà dans le rapport Balladur de 2009. Et le rapport de la Cour des comptes paru le 14 octobre ne dit pas autre chose...
 
HD. C’est aussi la position du gouvernement, qui est issu du même parti que vous...
A. L. Le débat existe au sein du PS, il existe deux visions qui traversent le clivage droite-gauche. D’une part, il y a ceux qui considèrent qu’on doit rester sur trois niveaux – que l’on peut cependant moderniser –, pour qui les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale, à savoir les regroupements de communes – NDLR) sont de simples outils : c’est le modèle de la Constitution. Et il y a l’autre modèle, qui veut donc deux niveaux : EPCI et régions.
 
HD. Ce modèle n’est-il pas dangereux pour la démocratie locale ?
A. L. En effet, on éloigne le pouvoir de décision du citoyen. Ce n’est pas au moment où l’on connaît un recul démocratique qu’il faut éloigner les centres de pouvoir du citoyen...
 
HD. Le principe est le même pour les métropoles...
A. L. La métropole, à Paris comme ailleurs, doit être au service des communes. Ce n’est pas la direction prise par le gouvernement.
 
HD. Revenons au problème de la dotation aux collectivités, en baisse de 11 milliards d’euros sur trois ans...
A. L. Le gouvernement essaie d’équilibrer ses comptes en ponctionnant les collectivités, nous sommes pour lui une variable d’ajustement. Il tente ainsi de transférer sa dette. On nous dit qu’il faut tenir compte de la réalité financière. D’accord, mais les collectivités sont au contraire un levier de la relance ! Or, si on reste sur cette base de 11 milliards, cela entraînera une chute des investissements de près de 10 %. Cette année, l’investissement des collectivités a déjà chuté de 6 %.
 
HD. Je vais vous demander de remettre votre casquette de maire : quel impact concret cela a-t-il dans votre commune, par exemple ?
A. L. Ma ville et la communauté de communes du pays d’Issoudun perdent 500 000 euros dès cette année. Or, plus de 80 % des dépenses sont incompressibles. L’essentiel des 20 % restants sont de l’autofinancement ; l’investissement est le premier poste touché. Je dois décaler des projets, notamment de voirie. Pour la communauté de communes, cela entraîne une baisse de 20 à 25 % des investissements. D’autres collectivités renoncent purement et simplement à de grands projets, nous, on étale pour essayer d’absorber.
 
HD. D’autant que ces 11 milliards de baisse de dotations entraîneront à terme, avec les intérêts des dettes contractées, une perte réelle de 28 milliards d’euros !
A. L. Oui, je l’ai d’ailleurs dit lors d’une réunion du CFL, il s’agit du cumul de l’argent perdu par les collectivités locales entre 2014 et 2017. Il existe aujourd’hui une volonté de procéder, à l’encontre des collectivités, par étouffement financier. Je veux rappeler que la libre administration des collectivités figure dans la Constitution... Aujourd’hui, la tentation existe de réduire les services publics de proximité. Pourtant, la dette des collectivités ne représente que 9,5 % des 2 000 milliards de la dette publique, c’est très faible, et les collectivités doivent toujours présenter un budget à l’équilibre.

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Dans l'Humanité Dimanche du 23 au 29 octobre 2014, André Laignel, maire PS d’Issoudun (Indre) et président du Comité des Finances Locales (CFL) a répondu au question de Benjamin König pour l'Humnité Dimanche (HD). Dossier paru "Communes et départements asphyxiés, comment on nous rejoue le coup de la dette !"

 

HD. Rejoue-t-on, comme avec l’État, le même scénario de la dette pour étouffer les collectivités locales ?

ANDRÉ LAIGNEL. Dans ce cas l’Europe n’a rien à voir, il s’agit d’une vision franco- française. Bercy, la technocratie en un mot, considère que moins il y a des services publics locaux, mieux ce sera. C’est une vision réductrice du rôle des collectivités territoriales.

 

HD. Quels sont alors les objectifs visés ?

A. L. D’abord de réduire le nombre de collectivités. Ramener le nombre de niveaux à deux, en étouffant les communes et en tuant les départements. D’ailleurs, ce n’est pas nouveau, cela figurait déjà dans le rapport Balladur de 2009. Et le rapport de la Cour des comptes paru le 14 octobre ne dit pas autre chose...

 

HD. C’est aussi la position du gouvernement, qui est issu du même parti que vous...

A. L. Le débat existe au sein du PS, il existe deux visions qui traversent le clivage droite-gauche. D’une part, il y a ceux qui considèrent qu’on doit rester sur trois niveaux – que l’on peut cependant moderniser –, pour qui les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale, à savoir les regroupements de communes – NDLR) sont de simples outils : c’est le modèle de la Constitution. Et il y a l’autre modèle, qui veut donc deux niveaux : EPCI et régions.

 

HD. Ce modèle n’est-il pas dangereux pour la démocratie locale ?

A. L. En effet, on éloigne le pouvoir de décision du citoyen. Ce n’est pas au moment où l’on connaît un recul démocratique qu’il faut éloigner les centres de pouvoir du citoyen...

 

HD. Le principe est le même pour les métropoles...

A. L. La métropole, à Paris comme ailleurs, doit être au service des communes. Ce n’est pas la direction prise par le gouvernement.

 

HD. Revenons au problème de la dotation aux collectivités, en baisse de 11 milliards d’euros sur trois ans...

A. L. Le gouvernement essaie d’équilibrer ses comptes en ponctionnant les collectivités, nous sommes pour lui une variable d’ajustement. Il tente ainsi de transférer sa dette. On nous dit qu’il faut tenir compte de la réalité financière. D’accord, mais les collectivités sont au contraire un levier de la relance ! Or, si on reste sur cette base de 11 milliards, cela entraînera une chute des investissements de près de 10 %. Cette année, l’investissement des collectivités a déjà chuté de 6 %.

 

HD. Je vais vous demander de remettre votre casquette de maire : quel impact concret cela a-t-il dans votre commune, par exemple ?

A. L. Ma ville et la communauté de communes du pays d’Issoudun perdent 500 000 euros dès cette année. Or, plus de 80 % des dépenses sont incompressibles. L’essentiel des 20 % restants sont de l’autofinancement ; l’investissement est le premier poste touché. Je dois décaler des projets, notamment de voirie. Pour la communauté de communes, cela entraîne une baisse de 20 à 25 % des investissements. D’autres collectivités renoncent purement et simplement à de grands projets, nous, on étale pour essayer d’absorber.

 

HD. D’autant que ces 11 milliards de baisse de dotations entraîneront à terme, avec les intérêts des dettes contractées, une perte réelle de 28 milliards d’euros !

A. L. Oui, je l’ai d’ailleurs dit lors d’une réunion du CFL, il s’agit du cumul de l’argent perdu par les collectivités locales entre 2014 et 2017. Il existe aujourd’hui une volonté de procéder, à l’encontre des collectivités, par étouffement financier. Je veux rappeler que la libre administration des collectivités figure dans la Constitution... Aujourd’hui, la tentation existe de réduire les services publics de proximité. Pourtant, la dette des collectivités ne représente que 9,5 % des 2 000 milliards de la dette publique, c’est très faible, et les collectivités doivent toujours présenter un budget à l’équilibre.