Article paru dans les colonnes de la Nouvelle République en date du mardi 4 septembre 2018 suite à l'interview d'Emmanuel Bédu.
Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a demandé au maire d'Issoudun de réfléchir à une stratégie pour les municipales de 2020. Un enjeu pour la reconquête du pouvoir.
Premier vice-président de l'Association des maires de France, président du comité des finances locales, maire d'Issoudun et maintenant chargé de la stratégie nationale des élections municipales de 2020. A l'heure du non-cumul des mandats, vous n'êtes pas en phase ?
Si car je n'ai qu'un seul mandat : maire ! Il se trouve que maire comprend beaucoup d'obligations et parmi celles-ci, il y a toutes celles que vous venez d'évoquer. S'intéresser à l'Association des maires de France, c'est défendre les communes dans notre pays et dans une période où elles sont particulièrement attaquées ; veiller aux finances des collectivités locales, c'est travailler pour que la démocratie locale trouve son plein épanouissement lors des prochaines échéances. C'est une cohérence avec un seul mandat.
Plus sérieusement, elles sont cumulables car elles ne sont pas rémunérées ? Un dédommagement, comment cela se passe-t-il ?
Je confirme. Ce sont des postes bénévoles – mise à part la fonction de maire qui bénéficie d'une indemnité. Je suis un militant de la cause communale. J'ai des dédommagements en matière de transport, c'est tout !
Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, vous a confié la mission de réfléchir à la stratégie à adopter aux prochaines municipales lors de l'université d'été du Parti socialiste à La Rochelle. Ce n'est pas un cadeau au moment où de plus en plus de maires démissionnent ?
Je suis le genre de personnes à qui on s'adresse quand les choses sont compliquées. C'est d'une certaine manière la reconnaissance d'une compétence, d'un travail. Olivier Faure est venu à Issoudun. Il avait dit : je viens chercher des idées. Peut-être en a-t-il trouvé !
Il faut d'abord stopper l'hémorragie. Vous comprenez cette crise des vocations ?
Il y a des démissions. On constate qu'elles sont plus nombreuses qu'elles ne l'ont été dans les mandats précédents. On parle d'une augmentation de 55 %. Cela démontre qu'il y a un malaise. Mais il y a tous ceux qui disent qu'ils iront à la fin de leur mandat mais qui disent aussi, j'arrêterai car la tâche est devenue insupportable. Il y a beaucoup de raisons à cela : l'étouffement financier, la complexité administrative, l'insécurité juridique, les exigences des citoyens. On est dans une tenaille avec une branche « exigences », une branche « moyens » et nous, on est au milieu. Donc beaucoup de maires ont le sentiment qu'ils ne sont plus en capacité de répondre aux attentes de ceux qui leur ont fait confiance. Et la quatrième raison, c'est un sentiment d'isolement, d'abandon. C'est surtout vrai dans les quartiers défavorisés, dans les communes rurales. Cela s'accompagne d'une forme de mépris de la haute administration et du chef de l'État lui-même.
Que préconisez-vous ?
Il y a tout un travail à faire pour que les causes reculent car derrière tout cela, ce ne sont pas les élus qui sont en cause, c'est la démocratie ; la commune, c'est le pilier de la République. C'est la République au quotidien. Dans un monde de plus en plus difficile, la proximité est essentielle pour nos concitoyens. Donc, en premier lieu, se battre pour la commune car chaque citoyen est d'abord citoyen de sa commune. Quand on demande à quelqu'un, vous êtes d'où ? Il répond rarement de l'Indre. Il répond des Bordes, d'Issoudun...
“ La commune c'est la République au quotidien ”
En quoi votre mission va-t-elle consister ?
Je vais mettre un conseil stratégique, construire un manifeste national pour les communes. Après, il reviendra à chacun de faire son programme. Je vais également créer un centre de ressources pour nos candidats. Faire remonter du terrain tous les beaux projets. Nous, les socialistes, restons la première force démocratique au niveau des collectivités territoriales. Il faut donner des projets clés en main. C'est le travail que j'ai devant moi avec Sarah Proust, maire-adjointe du XVIIIe arrondissement de Paris.
Vous faites le pari de rebondir lors des élections municipales. Il faudra d'abord trouver plusieurs dizaines de milliers de candidats. Il y a quand même 36.000 maires ?
C'est la mère des batailles électorales. C'est celle qui concerne le plus la vie de nos concitoyens. En tout, ce sont 524.000 conseillers municipaux, ce qui est une force extraordinaire pour un pays. Il y aura un travail de repérage, de prospection. Là, ce sera le parti. Moi, je suis plutôt dans la réflexion.
Qu'est ce qui vous fait croire que vous pouvez gagner une majorité de communes ?
La majorité des communes est sans étiquette. On n'aura pas de listes partout et pas dans les 240 communes de l'Indre, par exemple. Il faut construire de l'union. Nous pouvons redonner aux forces de gauche, un rôle majeur. Ce sera la clé du progressisme en France, pas dans le ciel des idées mais dans le concret, la quotidienneté de l'action.
Et si cela ne marche pas, cela pourrait signifier la fin du PS ?
Je ne crois pas à la fin du PS. Rien ne l'a remplacé.
Le fonctionnement d'Issoudun est-il un modèle à développer ?
Je n'ai jamais eu la prétention que l'on soit un modèle. Je pense juste que l'on n'a pas si mal réussi. Pour moi, la seule question que doit se poser un élu c'est : est-ce que je peux être utile ?
Vous étiez un apparatchik de la rue Solférino. On a l'impression que vous revenez en force au sein du PS. Ivry-sur-Seine va devenir votre seconde maison ?
Je n'ai jamais été un apparatchik car je n'ai jamais été un permanent. J'ai toujours voulu garder mon indépendance. Oui, je reviens en force car il y a besoin d'aide. Des gens qui ont de l'expérience peuvent aider à passer le cap difficile dans lequel nous sommes.
« Il faut réinventer le PS », disait Olivier Faure lors de sa visite à Issoudun, en juin dernier. Vous en êtes une partie de sa mémoire, un de ses rares hommes d'expérience exerçant encore de nombreuses responsabilités. Mais en quoi incarnez-vous le renouveau ?
Je n'ai pas cette prétention. J'essaie de renouveler tous les jours ma pensée. A-t-on été en panne d'actions à Issoudun ? Je réfléchis en permanence et j'essaie de penser à l'avenir. Je serai porteur de renouveau et le renouveau, ce n'est pas l'inexpérience. C'est s'adapter à la réalité et la devancer.
Pourquoi Olivier Faure vous a-t-il choisi pour cette mission ? Pour vos sept mandats successifs à la tête de la commune d'Issoudun ?
On peut faire comme si l'expérience était quelque chose de négatif. Il faut juste qu'elle ne soit pas figée. Et au niveau de maires de France, je suis reconnu comme un leader de toute la gauche. Je suis peut-être aussi un homme d'union.
En vous choisissant, Olivier Faure vous a-t-il d'une certaine manière remis le pied à l'étrier pour les municipales ?
Je n'en ai pas besoin. Être ou ne pas être m'appartient totalement. Je le ferai savoir en février 2020 !
Vous allez devoir convaincre de nombreux candidats, des nouveaux mais également des sortants, afin qu'ils se représentent. Vous vous êtes déjà auto-convaincu pour un huitième mandat ?
Quelle que soit ma place, je serai dans la campagne. Ce sera au moins pour le compte de tous les candidats de France.
Qu'est ce qui fait courir André Laignel ?
Des convictions. J'ai des convictions chevillées au cœur et au cerveau. Je n'imagine pas ma vie en me désintéressant de celle des autres.
Légende photo :
« Pour moi, la seule question que doit se poser un élu c'est : est-ce que je peux être utile ? » explique André Laignel dans son bureau de la mairie d'Issoudun, où de grandes toiles contemporaines côtoient un bureau impeccablement rangé.