Lors de la Séquence solennelle du Rassemblement des Maires de France réunis à Paris le mercredi 18 novembre 2015, André Laignel a été le premier orateur de cet événement accueillant M. Le Président de la République. Le discours est reproduit tel que prononcé à la tribune des Maires de France.
" Monsieur le président de la république,
Monsieur le président du Sénat,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement,
Madame la Maire de Paris,
Mesdames, Messieurs, chers collègues,
Nous sommes réunis aujourd’hui dans des circonstances exceptionnelles. Lorsque nous avons dû annuler notre Congrès, le reporter, nous nous sommes dits immédiatement, avec François Baroin, qu’il n’était pas possible qu’il n’y ait pas un moment de rassemblement des maires de France, que nous ne puissions pas, tous ensemble, marquer notre volonté de défendre les valeurs de la République.
Merci à chacune et à chacun d’entre vous de votre présence. En 48 heures, vous vous êtes inscrits, vous êtes venus, plusieurs milliers, aujourd’hui, représentant la France dans son ensemble, le territoire métropolitain, mais aussi d’outre-mer.
Si nous sommes rassemblés aujourd’hui, c’est parce que nous savons qu’à travers les attentats qui ont eu lieu, qui ont fait des centaines de victimes, cherchant à répandre la terreur, tuant ou blessant des femmes et des hommes qui n’avaient d’autre destin que d’être au mauvais moment au mauvais endroit, oui, en les atteignant, c’est en réalité la République que les terroristes souhaitaient atteindre.
Ce qu’ils voulaient atteindre, ce sont nos valeurs, notre devise. C’est la Liberté, la liberté tout simplement de penser, de s’exprimer, la liberté d’aimer, la liberté de créer, la liberté de vivre.
C’est l’Égalité, l’égalité dont l’article premier de la Déclaration des droits de l’Homme rappelle que c’est un droit imprescriptible : « les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Oui, cela reste un viatique essentiel de notre République.
Et c’est aussi la Fraternité, la fraternité que l’on a dans la culture, et ce n’est pas un hasard si la culture a été visée ; la fraternité que l’on a dans le sport, la fraternité qui ne se résume pas à la solidarité mais qui l’englobe aussi. C’est aussi, bien sûr , la Laïcité, la laïcité dont nous avons, il y a un an, c’est-à-dire avant tout événement dramatique, souhaité qu’elle soit au coeur de notre réflexion, de la réflexion des maires de France ; cette laïcité, qui est la condition du vivre ensemble, que nous soyons croyants ou que nous ne le soyons pas, et quelle que soit notre croyance ; cette laïcité qui, en réalité, est la fraternité en actes, c’est-à-dire, au quotidien, la volonté du dialogue qui l’emporte sur la volonté de l’affrontement.
Oui, ce sont ces valeurs, qui sont exactement contraires à celles des barbares qui se sont répandus sur notre territoire. Je voudrais, à ce moment, dire mon regret que le maire de Saint-Denis ne puisse pas être des nôtres. Il devait l’être, mais Didier Paillard, vous vous en doutez, est actuellement dans sa Ville. Je voudrais, à cet instant, dire combien les forces de l’ordre méritent notre respect, notre salut. Je pense à ceux qui ont été blessés, encore ce matin, dans l’exercice de leur mission et je crois que nous pouvons, les uns et les autres, saluer leur courage.
Monsieur le Président de la République, vous étiez lundi devant la Représentation nationale. Vous êtes aujourd’hui devant une assemblée des maires de France. Ainsi, les deux pôles majeurs de la démocratie de notre pays sont honorés par votre visite et par vos propos. Soyez-en profondément remercié.
Je crois que la France a une chance extraordinaire, c’est d’avoir 36 500 communes. 36 500 communes, ce sont 36 500 maires qui sont, chaque jour, au contact de leurs concitoyens. Et, dans ces périodes particulièrement difficiles, nous savons bien, les uns et les autres, que c’est vers nous que se tournent les populations, qu’elles nous demandent de la sécurité, qu’elles nous demandent simplement de les écouter, qu’elles ont besoin que nous soyons à leurs côtés. Oui, 36 500 maires, parfois, certains disent que c’est trop. Quel extraordinaire contresens de l’histoire ! Ce n’est pas trop, ce sont des femmes et des hommes qui portent les valeurs de la République par leur exemple, au quotidien.
Pensant à ces fantassins de la République, les 500 000 conseillers municipaux et conseillères municipales, qui bénévolement, sont là, aussi, à retisser tous les jours, à ravauder le lien social, souvent délité même en dehors des périodes d’extrême tension, je dis que oui, 36 500 communes, 500 000 élus locaux, c’est une richesse de la France ! Veillons à ne pas affaiblir cette r ichesse, veillons à lui donner les moyens.
Il m’a été demandé d’être bref, je vais donc conclure et, face à la noirceur , j’ai envie de proposer un peu de beauté en citant un grand poète qui fut aussi un grand résistant, René Char.
René Char a écrit : « Le réel, quelquefois, désaltère l’espérance. C’est pourquoi, contre toute attente, l’espérance survit. »
Alors, mes chers collègues, soyons porteurs de ces espérances, soyons mobilisés pour que le réel s’accomplisse. Tous ensemble, oui, tous ensemble, faisons cause commune.
Faisons cause commune pour les valeurs de la République, pour la République, pour la France."
Photo d'Arnaud Février pour l'AMF.