Premier vice-président de l’Association des maires de France et maire d’Issoudun (Indre), André Laignel se prononce en faveur d’une intervention du législateur pour sortir de la confusion concernant les structures d’accueil de la petite enfance. Dans une interview publiée dans les colonnes du nunéro spécial Laïcité de "Communes de France" du 8 décembre 2014, "la laïcité doit être consolidée et réaafirmée" selon André Laignel.
Communes de France : Après l’arrêt de la Cour de cassation du 19 mars dernier sur Baby Loup, vous appeliez à signer la pétition en faveur d’une loi, comme l’ont fait aussi Harlem Désir et Jean-Michel Baylet notamment.
André Laignel : "J’ai souhaité apporter ma signature à la pétition, en effet. Par cet acte, maire d’Issoudun et premier vice-président de l’Association des maires de France, j’en appelle à toutes les consciences républicaines. En e!et, le moment est grave, nous sommes dans une heure de vérité où la laïcité en France doit absolument être consolidée et réaffirmée, faute de quoi elle subira un recul dramatique.Rappelons les faits. En conformité avec son règlement intérieur établi sur le principe de "neutralité philosophique, politique et confessionnelle", la crèche Baby Loup de Chanteloup les Vignes a licencié en 2008 l'une de ses employées, au motif qu'elle manifestait ostensiblement son appartenance religieuse par le port d'un voile dit islamique. Le Conseil des prudhommes de Mantes la Jolie en 2010 et la Cour d'appel de Versailles en 2011 ont approuvé ce licenciement.
Le 19 mars 2013, la Cour de cassation a invalidé ces jugements et lui nie ce droit en affirmant que « (...) s'agissant d'une crèche privée, (elle) ne peut dès lors, en dépit de sa mission d'intérêt général, être considérée comme une personne privée gérant un service public » à laquelle le principe de laïcité devrait s'appliquer. Il ne m’appartient pas, comme à tout citoyen respectueux de l'Etat de droit, de commenter l'arrêt de la Cour, mais je constate qu'une crèche qui accomplit depuis 22 ans un travail de terrain extraordinaire, seule en France ouverte 24h sur 24 et 7 jours sur 7, ne peut appliquer la laïcité dans son règlement intérieur pour faire vivre en harmonie enfants et parents de 54 nationalités qui se côtoient entre ses murs. Cela, notre droit le lui interdit aujourd'hui. Dans un État laïque, il serait ainsi permis de créer une crèche privée religieuse, mais pas une crèche laïque ? Impérative pour la puissance publique, la laïcité serait interdite aux citoyens et aux structures privées ? Parce qu'ils sont précisément d'entre nous tous, les êtres les moins pourvus de défense et les plus malléables, les enfants ont droit à la neutralité, garante de leur libre arbitre en formation."
Quelle solution préconisez-vous ?
"Notre loi doit impérativement être modifiée. Il n'est pas acceptable qu'un organisme, dont l'utilité publique n'est plus à démontrer et dont les personnels ont manifesté un dévouement exemplaire à l'intérêt général, soit contraint de céder à des exigences personnelles. Il est inadmissible que ces professionnels soient mis dans l'impossibilité d'exercer une mission de service public dans le respect de la laïcité. C’est au législateur qu’il revient de remédier à cet état de confusion et de combler ce vide juridique qui, menaçant gravement l'application de la laïcité, principe constitutionnel de notre République, met en péril le vivre ensemble."
Propos recueillis par Philippe Foussier, numéro double de décembre 2013, Communes de France.