André Laignel a présenté le 21 novembre 2013 la résolution générale du Congrès des Maires de France.
"Le 96ème congrès des maires et des présidents de communautés de France s’achève aujourd’hui. Pour un certain nombre, ce congrès est le dernier car, dans quatre mois, se dérouleront les prochaines élections municipales. La fin d’un mandat, c’est le moment de rendre hommage à tous ceux qui se sont investis, depuis six ans au moins, dans la vie de leur cité, qu’il s’agisse d’un village ou d’une grande ville, en métropole ou en outre-mer. Tous méritent le respect car le mandat de maire, aussi passionnant soit-il, s’accompagne de responsabilités lourdes, de contraintes voire de sacrifices professionnels ou personnels.
Dans notre société en douloureuse mutation, où les citoyens se sentent fragilisés, désorientés et parfois même exaspérés, les maires sont les élus les plus proches. Ils sont en première ligne pour voir les difficultés de la population et pour être appelés à les résoudre. Ce lien entre maires et citoyens est fort mais il est aussi ténu. Nous attirons solennellement l’attention sur les risques qu’engendrerait une fragilisation des communes aujourd’hui. Sans leurs services publics de proximité, comment préserver la cohésion sociale ? Sans leur capacité d’investissement, comment faire revenir la croissance économique ? Sans leur engagement dans des actions concrètes, comment avancer sur le chemin du développement durable ? Tous les grands défis que doit relever notre pays ne pourront être surmontés sans la mobilisation des communes et de leurs intercommunalités.
Parce que la commune est pour nous une institution résolument moderne, parce que nous croyons à des communes fortes dans une intercommunalité de projet, nous demandons à l’Etat plus de respect, plus de confiance, plus de liberté et plus de souplesse.
Plus de respect
- Nous devons être traités avec respect et considérés par l’Etat comme des interlocuteurs responsables, au niveau national comme au niveau local. Il n’est plus acceptable d’être ignorés dans les concertations préalables aux décisions qui ont un impact sur les collectivités. La légitimité que nous donne le suffrage universel direct nous donne le droit d’être à la table des négociations.
- Nous sommes, pour une part importante de nos fonctions, des agents de l’Etat et à ce titre ses relais naturels. Nous attendons de lui qu’il garantisse notre protection lorsque nous subissons des entraves ou des atteintes, parfois graves, à l’exercice de nos missions.
- Nous demandons que l’Etat assume le financement des politiques qu’il impulse.
- Nous alertons l’Etat sur le sentiment d’abandon que peuvent ressentir nombre d’entre nous, notamment dans le monde rural, face au retrait des services déconcentrés et nous lui demandons d’accompagner les collectivités dans ces phases de transition délicates. Pour ne citer qu’un exemple, la disparition programmée de l’ATESAT (1) inquiète fortement les maires qui se sentent démunis. Nous avons entendu avec intérêt l’engagement du Premier ministre à réintroduire les services de l’Etat dans les départements. S’agissant de l’ingénierie territoriale et de sa nécessaire mutualisation à une échelle pertinente, l’AMF rappelle que les maires doivent conserver la liberté permanente de choix dans son mode d’organisation.
Plus de confiance
- Nous demandons avec insistance la création rapide du Haut Conseil des territoires sans attendre le vote de la loi. Cette instance n’a pas vocation à concurrencer le Sénat dont le rôle constitutionnel est essentiel. Mais elle est indispensable pour instituer enfin un lieu de dialogue et de négociation entre l’Etat et les collectivités locales sur toutes les politiques nationales ou européennes qui ont un impact sur elles. L’Association des maires de France, seule reconnue d’utilité publique et garante d’une représentation politique, démographique et géographique pluraliste, entend y tenir toute sa place.
- Nous alertons sur la baisse de nos dotations qui va porter atteinte au fonctionnement des services publics locaux, pourtant indispensables à la qualité de vie de nos concitoyens.
- Nous alertons aussi sur le grand risque que cette baisse fait courir à l’économie nationale et à la modernisation de nos territoires. L’investissement local est le principal levier de l’investissement public et aucune reprise de la croissance ne peut être espérée si les investissements de terrain sont asséchés. Nous souhaitons que soient mis en place un dispositif de soutien à l’investissement, une lutte réelle contre les charges contraintes et les normes nouvelles et que soit garanti le financement de l’intercommunalité.
- Nous soulignons que l’Agence France Locale, qui a vu le jour en octobre après plusieurs années d’effort de conviction, est la preuve du sens de l’innovation, de la responsabilité des élus et de la confiance qu’on peut leur porter. Toutes les communes et intercommunalités qui souscrivent des emprunts sont les bienvenues pour y adhérer.
- Nous confirmons notre volonté d’être pleinement partie prenante d’une transition énergétique sobre, efficace, économe et territorialisée, ainsi que d’une transition écologique responsable et soutenable.
Plus de liberté
- Nous voulons des communes fortes et en capacité d’agir. C’est pourquoi nous souhaitons que la liberté prime sur la contrainte, que les nécessaires moyens humains et financiers leur soient garantis. Nous voulons que soit préservée la liberté de définir l’intérêt communautaire et la forme de mutualisation pertinente. Le Premier ministre a, dans son propos, abondé en ce sens. Par ailleurs, nous proposons également d’améliorer le statut des communes nouvelles pour permettre à celles qui le souhaitent, notamment aux plus petites d’entre elles, de conjuguer librement leurs forces.
- Nous croyons à l’intercommunalité portée par les élus, au plus près des réalités des territoires. Les intercommunalités sont un outil indispensable pour mener des projets ambitieux et donner du souffle à l’action publique. Mais elles doivent répondre à l’exact besoin des territoires et rester au service des communes qui sont le socle de la démocratie. C’est pourquoi les transferts obligatoires de compétence ne sont pas légitimes, en particulier celui du plan local d’urbanisme qui doit correspondre à un projet collectif volontaire, ainsi que le bureau de l’AMF l’a proposé. Prenant acte de l’engagement exprimé par le Premier ministre pour trouver une solution de compromis avec le Parlement sur la base du « libre choix », l’AMF renouvelle donc sa demande de maintien de la liberté pour les élus de décider du transfert du PLU avec un large consensus.
- Nous approuvons la coordination entre collectivités mais refusons la tutelle de l’une sur l’autre. La création de conférences territoriales d’action publique pour rationaliser l’organisation des compétences partagées n’est acceptable qu’avec une représentation équilibrée de toutes les collectivités, une présidence librement choisie par les élus qui les composent et une véritable co-élaboration des décisions. Nous nous opposons à la prolifération des schémas qui alourdissent l’action publique, retardent la réalisation des projets et entravent la libre administration des communes.
- Nous souhaitons être associés aux concertations européennes avec l’Etat et les régions, notamment pour l’élaboration des fonds de cohésion territoriale 2014-2020 et pour la protection des services publics locaux.
Plus de souplesse
- La réforme des rythmes scolaires, qui aurait dû logiquement être assumée par l’Etat, doit tenir compte des contraintes concrètes des collectivités dans leur mise en œuvre (animateurs, locaux…) et des coûts qu’elles supportent. A cet égard, l’Etat doit pérenniser les soutiens mis en place pour 2013 et 2014 et injecter de la souplesse dans le dispositif.
- Nous voulons pouvoir adapter les normes nationales aux réalités du terrain. Les contraintes financières de nos collectivités sont telles qu’elles ne peuvent plus supporter de se voir imposer des normes vécues comme arbitraires et aveugles, coûteuses et inutiles.
- Nous voulons que les normes fixent seulement des objectifs à atteindre et rester maîtres du choix des moyens pour y parvenir. Moderniser l’action publique passe aussi par la diminution des procédures et des tutelles qui allongent inutilement les délais et le recentrage des administrations centrales de l’Etat d’abord sur les fonctions régaliennes et de solidarité nationale.
- Nous demandons une meilleure prise en compte des difficultés des territoires, aussi bien urbains que ruraux, et en particulier en outre-mer où les problèmes économiques et sociaux sont encore plus criants.
C’est avec ce respect, cette confiance, cette liberté, cette souplesse que les maires et les présidents d’intercommunalités du prochain mandat pourront agir mieux et contribuer, en cohérence avec tous les autres acteurs publics, au développement de notre pays."