
La pauvreté a atteint un nouveau record dans notre pays. Elle concerne désormais près de 10 millions de nos concitoyens selon les derniers chiffres de l’INSEE parus ce lundi, soit 15,4% des Français. Des statistiques qui sous-estiment la réalité, car ils ne prennent pas en compte la situation dans les Outre-mer. Les premiers touchés sont les travailleurs modestes, dont la maigre augmentation des salaires permet à peine de compenser l’inflation, les familles monoparentales qui pâtissent de l’absence de services publics adaptés, et les personnes au chômage victimes des réformes successives et inefficaces de l’assurance-chômage.
Dans le même temps, notre pays fait face à un creusement inédit des inégalités selon la DGFIP. Avec, entre autres, la suppression de l’ISF et l’instauration de la flat taxe, les revenus des 0,1% les plus fortunés ont augmenté 2,5 fois plus vite que le reste de la population. Et depuis à l'IFI, en 2017, le patrimoine immobilier moyen des 0,1% a augmenté de 18%.
Cette situation sociale dégradée et préoccupante n’est pas le fruit du hasard ou d’aléas économiques extérieurs. C’est la conséquence logique et cohérente de la politique économique menée depuis 2017 au bénéfice des plus aisés et qui a conduit à la polarisation de notre société. Pour le dire simplement, les riches sont plus riches et les pauvres sont plus pauvres. Une politique de baisse d’impôt qui n’a pas eu de réel impact sur la croissance, l’emploi ou le niveau de vie du plus grand nombre.
Pourquoi cela concerne très directement nos collectivités et nos concitoyens ?
- Car cette politique à un coût qui va justifier une nouvelle cure d’austérité au nom d’un retors « partage des efforts ». Ainsi, selon la Cour des comptes, le coût de la nationalisation de la Taxe d’habitation s’élève chaque année 23,4 milliards à l’Etat pour un bénéfice de pouvoir d’achat d’à peine 1%, de surcroît plus favorable aux ménages aisés. Pour réaliser des économies et parce qu’il refuse de mobiliser des recettes, l’Etat se désengage du financement des services publics ou de la construction de logements sociaux (au plus bas alors que 2.7 millions de ménages en ont fait la demande). Autant de leviers indispensables à la réduction des inégalités.
- Ce sont donc aux collectivités de palier le retrait de l’Etat et gérer les effets de l’augmentation de la pauvreté. Les services publics locaux sont le premier recours et le dernier rempart de nos concitoyens les plus fragiles : l’accompagnement des plus précaires dans les CCAS, la tarification sociale dans les cantines, la création et le financement de nouveaux logements sociaux, le développement d’activités périscolaires, l’aide et accompagnement à l’insertion…
A la veille de l’annonce des arbitrages budgétaires, il est urgent de promouvoir un autre modèle fondé sur la justice fiscale et la relance de la décentralisation. Le vote de la taxe Zucman aurait d’ailleurs constitué une bonne amorce de ce changement de paradigme, en allégeant le fardeau financier pour nos collectivités qui pourraient alors pleinement jouer le rôle d’amortisseur social et de moteur de la relance économique.
André LAIGNEL
Maire d’Issoudun
Président du Comité des Finances Locales
Premier vice-président de l’Association des Maires de France
Sources :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/8600989
https://www.ccomptes.fr/fr/documents/73299