Il faut reconnaitre à Emmanuel Macron un vrai talent d'animateur de supermarché ; à grands coups d'annonces tapageuses et de sourires enjôleurs, il n'a pas son pareil pour écouler les stocks d'invendus. Passée l'illusion des artifices de communication, son programme pour les collectivités territoriales n'est rien d'autre que la remballe de toutes les mesures portées par la droite ces dernières années.
Première trouvaille dans le grenier des lubies libérales éculées : la suppression de la taxe d'habitation pour 4/5e des ménages. Sarkozy, qui avait supprimé brutalement la taxe professionnelle (sa Ministre de l'économie et sa majorité l'avaient appris en direct à la télévision), a trouvé sa descendance. Dans cette droite veine, la suppression de la taxe d'habitation a tout de la fausse bonne idée. Elle aurait d'abord pour conséquence de miner encore un peu plus la légitimité de l'impôt, en le concentrant sur une faible portion de la population. Mais elle mettrait gravement en péril la situation financière déjà délicate des collectivités locales, en leur faisant perdre une de leurs toutes dernières ressources dynamiques. Car aucun élu local n'est dupe sur la prétendue compensation intégrale pour les communes de cette perte de recettes ; l'Etat n'a jamais tenu ses promesses en la matière, au-delà de la première année. Certes, les impôts locaux méritent d'être modernisés, notamment pour les rendre plus justes. Mais où est la modernité quand on propose de faire table rase, plutôt de s'attacher à faire réussir une nécessaire réforme déjà engagée avec le soutien des élus locaux ? Enfin, et c'est ici le plus grave, peut-on encore parler de libre administration des collectivités locales (principe constitutionnel, rappelons-le), si ces dernières n'ont plus aucune autonomie fiscale et se retrouvent entièrement dépendantes financièrement de ce que voudra bien lui concéder l'Etat ?
On en arrive d'ailleurs à la page suivante sur le livre de recettes d'antan pour les territoires. Macron propose en effet de poursuivre la baisse des dotations aux collectivités. Ainsi, ce sont rien de moins que 10 milliards d'euros qui viendraient à manquer pour les budgets locaux, venant s'ajouter aux pertes déjà accumulées ces dernières années. Certainement pour se démarquer des autres candidats de droite proposant la même potion amère, Macron propose de laisser aux collectivités le soin de répartir entre elles la charge de cette nouvelle baisse. « Je vous livre le poison, libre à vous de partager le contenu de la fiole ». Grand seigneur ! Le manque de courage politique travesti en liberté devient le nouveau subterfuge pour organiser la concurrence féroce entre territoires. La ficelle est tellement grosse qu'on pourrait en rire, sans l'impact terrible d'une telle mesure sur la solidarité territoriale et la qualité des services publics pour les citoyens.
Troisième découverte au musée archéologique de la droite : la réduction drastique du nombre de fonctionnaires et la remise en cause du statut de la fonction publique. Un grand classique du panthéon libéral. La petite musique qui s'installe sur la charge que représenteraient les agents des collectivités devient proprement insupportable. Derrière les grands chiffres, nous parlons là de femmes et d'hommes qui font vivre au quotidien les services publics essentiels et auxquels nos concitoyens sont attachés ; veut-on vraiment moins de crèches ? d'équipements sportifs ? de policiers municipaux ?...
Formidable catalyseur du débat politique, la période électorale qui s'ouvre a le mérite de clarifier les lignes idéologiques en présence. Dans ce cadre, les candidats de la droite, dont Macron est le dernier modèle sur le marché, sont unis par une même volonté de mettre à genoux les collectivités, au premier rang desquelles les communes. Comme toujours, ce seront au final les citoyens les moins nantis qui seront les premières victimes de la mise à mal du service public et de l'affaiblissement des pouvoirs de proximité qui se profilent.
André LAIGNEL