Les maires de France sont aux côtés de l'Etat pour agir contre la radicalisation

Discours prononcé par André Laignel à Paris le lundi 24 octobre 2016 lors des Rencontres nationales Etat - Collectivités locales : tous les territoires mobilisés contre la radicalisation.

 

"Monsieur le Premier ministre,

 

Quand l’essentiel, c’est-à-dire la sécurité de nos compatriotes, est en jeu, les maires sont naturellement aux côtés de l’Etat pour agir. C’est donc sans hésitation que l’AMF a décidé de s'associer à cette rencontre nationale sur la prévention de la radicalisation.

 

Cette journée d'échanges et de débats s’inscrit pour l’AMF dans le cadre d’une démarche initiée, depuis plus de deux ans, par son groupe de travail « Sécurité et prévention de la délinquance », qui avait, dès cette époque, orienté ses travaux sur la prévention de la radicalisation et sur le processus qui conduit des individus vers une idéologie prônant l’obscurantisme, le fanatisme et la violence.

 

Lors du Rassemblement exceptionnel des maires de France du 18 novembre dernier, le président de l'AMF et moi-même avons dit avec force au Président de la République, à vous, Monsieur le Premier ministre, et à B. Cazeneuve,  le ministre de l’Intérieur, l’engagement  des maires pour agir aux côtés de l’Etat pour la prévention de la radicalisation.

L'AMF avait également insisté sur l’indispensable besoin d'offrir à chaque élu la formation nécessaire et la grille d’analyse pertinente afin qu’il puisse utilement participer à cette mission.

 

Cette démarche a pris corps le 19 mai dernier avec la signature de la convention de partenariat entre l'Etat et l'AMF sur la prévention de la radicalisation violente. Mieux informer les élus sur les processus de radicalisation, mieux cerner les enjeux locaux et mieux appréhender les modalités de signalement et de prise en charge des cas détectés constituent dès lors le socle de la démarche partenariale entre l’Etat et les collectivités de proximité que nous représentons. 

 

Monsieur le Premier ministre, vous avez également bien appréhendé tout l'intérêt d'agir en pleine cohérence avec les élus locaux qui bénéficient de la connaissance fine de leur territoire et de leur population.

Le Plan d'action contre la radicalisation et le terrorisme, que vous avez dévoilé en mai dernier, comporte ainsi des mesures spécifiquement dédiées à une meilleure association des collectivités à cette politique publique. L'une de ces mesures visait notamment à mettre en place une rencontre nationale "autour des enjeux de la lutte contre la radicalisation et la prise en charge des personnes radicalisées visant à renforcer la mobilisation de l'ensemble des acteurs, conforter les expériences et faciliter la diffusion de bonnes pratiques". Nous y voilà.

 

Je vous réaffirme aujourd’hui avec force et conviction notre détermination à continuer d'agir concrètement et résolument sur ce sujet.

Alors que le nombre des cas de radicalisation continue d’augmenter, faisant fi de toute délimitation géographique, socio-culturelle, d’âge ou de sexe, les élus peuvent apporter une aide efficace, notamment pour le recueil d‘informations sur les risques et les menaces, mais également, au contact de leur population, pour la promotion des valeurs qui fondent notre République.

 

Les 500 000 élus locaux de notre pays constituent  une inestimable « Réserve citoyenne »  qui peut contribuer à détecter les cas de radicalisation et retisser le lien social, souvent délité, dans ces situations.

 

L’AMF, forte de son réseau d’associations départementales de maires et présidents d’intercommunalité, s’est d’ores et déjà pleinement investie dans la sensibilisation des élus. En ce sens, l’organisation, le 1er juin dernier, lors du Congrès de l’AMF, d’un atelier dédié à cette grave question a permis un lieu d’échanges et de débat entre les élus et les représentants des services de l’Etat des ministères de l’Intérieur, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, de la Justice et de l’Education nationale.

 

A ce même Congrès, Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports a, à juste titre, rappelé que la lutte pour prévenir les éventuelles dérives passe également par la mise en œuvre d'une politique sociale et éducative adaptée.

 

Nous partageons pleinement ce point de vue.

En effet, nous aurions tort de ne traiter la question de la radicalisation que par les seuls prismes sécuritaire ou judiciaire, même s’ils sont essentiels.

 

Notre rôle de Maires nous commande d’appréhender le sujet dans une dimension plus large afin de saisir comment le parcours de certains, en particulier jeunes, bifurque vers la haine de l’autre et l’aveuglement sectaire. C’est de notre responsabilité car nous sommes les élus de la proximité, du quotidien, du vivre ensemble.

 

Je pense bien sûr d’abord à l’école, celle que l’on a longtemps appelé affectueusement la « communale », véritable porte d’entrée dans la République que chacun d’entre nous a empruntée et je voudrais croire, avec Jean Zay, que « Les écoles doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas ».

Ce qui ne veut pas dire une école sourde aux échos du monde, mais un lieu ou doit s’épanouir librement la raison qui s’éveille, l’esprit qui se forme. C’est pourquoi l’école laïque doit être le premier et le plus efficace rempart contre toute radicalisation et, pour notre part, l’action que nous menons dans le cadre périscolaire peut grandement y contribuer.

 

L’AMF assure également un rôle majeur d’information auprès des élus en mobilisant ses moyens de communication et en intervenant dans le cadre de séances d’information spécifiques auprès des élus, comme elle a déjà pu le faire dans de nombreux départements.

D’ores-et-déjà, d’autres demandes d’intervention sont recensées par les services de l’AMF, témoignant de l’intérêt prégnant des élus pour les questions qui nous préoccupent aujourd’hui et d'une dynamique en marche qui concerne aussi bien les territoires urbains que ruraux.

 

L’importance des enjeux pour notre population et notre sécurité, l’obligation de résultat que nous avons, rendent primordial que nous soyons mieux avertis et mieux associés aux mesures qui sont prises et mises en œuvre dans le cadre des cellules de suivi départementales. Echanger sur les cas de radicalisation entre services de l’Etat et élus locaux conditionnera, à l’évidence, la pertinence de l’action menée dans les territoires.

 

Dans le même esprit, nous insistons également, Monsieur le Premier ministre,  sur le besoin pour les élus d’être informés de la présence dans leur commune et dans leurs services d’individus présentant une forte présomption de radicalisation et de dangerosité.

 

A cette fin, l'AMF a fait part, début septembre, de cette attente forte et légitime des élus auprès du ministre de l'Intérieur, dont je tiens à saluer l'écoute et la bonne compréhension de nos besoins. Nous avons bon espoir que les travaux initiés depuis, entre les services du ministère et ceux de l'AMF, aboutissent rapidement avec le souci commun de s'inscrire dans une démarche exigeante, consciente et, en toutes circonstances, respectueuse de l’état de droit.

 

Nous estimons que le maire, en tant qu’employeur, est en droit de savoir si des agents présentent un risque potentiel. A ce stade, seuls certains personnels peuvent faire l’objet d’une enquête administrative. Nous demandons à ce que soit élargie la liste des fonctions pouvant faire l’objet d’une telle enquête, à l’instar de ce qui existe pour les policiers municipaux ou les gardes-champêtres.

Ceci ne devrait souffrir d’aucun délai de mise en œuvre notamment pour les emplois les plus sensibles : sécurité, services d’état civil, services en contact avec des mineurs, travailleurs sociaux… Nous attirons enfin votre attention sur la nécessité d’apporter une vigilance particulière concernant les personnels intervenant dans le cadre des nouvelles activités périscolaires.

 

De façon plus générale, les maires, en tant qu’agents de l’Etat, souhaitent avoir des échanges d’information sur les situations préoccupantes concernant les résidents de leur commune.

Pour éviter tout amalgame et compte tenu d’un certain nombre de déclarations peu responsables, je vous précise que l'AMF n'a jamais demandé la communication des fiches "S" qui doivent évidemment rester ce qu'elles sont, à savoir un outil de travail des services  de renseignements, de police et de gendarmerie nationales.

 

Cependant, il nous parait primordial de renforcer le lien entre le préfet, le procureur de la République et les maires concernés dans le cadre des cellules de suivi départementales. Au-delà, les comités de pilotage de la politique de la ville constituent aussi des lieux de partage et d’échanges qui doivent permettre une prise en compte et une animation du suivi partenarial des cas de radicalisation, et cela, en toutes circonstances, dans le respect du secret partagé.

 

Dans le même esprit, nous pensons qu’un travail en commun avec les ministères de l’Intérieur et de la Justice doit permettre de trouver les modalités utiles pour informer les maires de l’installation sur leur commune d’un individu condamné pour une infraction terroriste lors de sa sortie de prison ou d’un individu, majeur ou mineur, de retour de jihad.

 

Consciente également de la dimension internationale de la radicalisation, l’AMF apporte, depuis le début de l’année, sa contribution aux réflexions du réseau européen de sensibilisation à la radicalisation et participe de ce fait à la détermination des actions utiles pour endiguer et neutraliser le processus de radicalisation.

 

Ainsi, en tout temps et en tout lieux, vous pouvez, Monsieur le Premier ministre, compter sur l'implication de l'AMF aux côtés de l'Etat dans le cadre d'un partenariat équilibré et responsable.

 

En ces périodes particulièrement difficiles, c’est vers nous, les maires et élus locaux, que se tourne la population et qu’elle  demande conseil et protection. Une fois de plus, en ce domaine comme dans beaucoup d’autres, nous sommes le premier recours et souvent le dernier espoir de nos concitoyens.

C’est pourquoi la juste association des élus locaux à la lourde tâche de prévention est essentielle pour permettre  d’éviter à l’avenir que se répètent les évènements dramatiques qui se sont produits et ont endeuillé notre Pays.

 

Cette importante rencontre nationale est, à n’en pas douter, un pas supplémentaire important vers une étroite complémentarité entre l’Etat et les collectivités territoriales pour prévenir la radicalisation, pour contrer l’obscurantisme, pour arrêter cette dérive mortifère.

 

Vous pouvez compter sur les Maires de France pour porter haut et fort les valeurs qui fondent notre République : la liberté, l’égalité et la fraternité, et pour mettre en œuvre au quotidien la laïcité qui porte en elle ces trois piliers de la République, cette laïcité, force incomparable d’émancipation mais aussi de cette concorde nationale dont notre Pays a aujourd’hui tant besoin."