Au lendemain de l’adoption par l’Assemblée du projet de loi Notre en première lecture, André Laignel, maire d’Issoudun et premier vice-président délégué de l’Association des maires de France, craint que se dessine une volonté d’affaiblir les communes « en les étouffant financièrement » et « en les corsetant législativement ». Il redit l’opposition de l’AMF au principe même d’un seuil obligatoire pour la constitution des intercommunalités, et répond par la même occasion aux propos peu amènes envers l’AMF tenus hier par la ministre de la Décentralisation, Marylise Lebranchu.
Le projet de loi Notre a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale avant-hier. Quel est votre sentiment sur ce texte ?
Il manifeste une volonté de dilution de la commune. Une volonté qui semble être dans l’air du temps. C’est une erreur grave. Le maire reste l’élu le plus proche et le plus apprécié du citoyen. La commune est le lieu du vivre-ensemble, et c’est à cet échelon de proximité que se résolvent beaucoup des problèmes que notre société génère. Affaiblir les communes en leur retirant des compétences et les étouffer financièrement est plus qu’une erreur, c’est une faute.
Le projet de loi Notre prévoit de transférer de nombreuses compétences des communes vers les intercommunalités. Vous craignez l’affaiblissement des communes, mais l’AMF n’est pas opposée à l’intercommunalité ?
Nous sommes absolument pour l’intercommunalité ! Mais nous sommes pour qu’elle soit un outil, un outil efficace, au service des communes. Pour nous, il revient à chaque territoire de choisir et les compétences, et les formes de coopération qui doivent être mises en œuvre. Ce n’est pas à l’État de décider pour les élus locaux, ou alors, cela s’appelle la recentralisation.
L’Assemblée nationale a adopté le seuil minimal de 20 000 habitants pour les intercommunalités, avec des exceptions. Estimez-vous ces exceptions insuffisantes ?
C’est le fait même de poser un seuil qui est absurde. 20 000 habitants, c’est très insuffisant dans de nombreuses parties du territoire… et c’est totalement déraisonnable dans d’autres parties. Je voudrais rappeler que 95 % de l’intercommunalité s’est faite sur la volonté librement exprimée des collectivités locales. Vouloir aujourd’hui tout passer au hachoir de l’État ne me paraît pas la bonne réponse.
Le gouvernement manifeste la volonté de « rationnaliser » les syndicats intercommunaux. Partagez-vous cette volonté ?
Naturellement : dès qu’il s’agit de rationnaliser, nous sommes pour. Mais quand on nous dit que cela générerait des milliards d’euros d’économies, soit c’est une boutade, soit c’est de l’incompétence.
La ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, s’en est sèchement prise hier, dans la presse, à l’AMF en l’estimant « arcboutée », et en déclarant qu’elle avait cru que « la montée en puissance des intercommunalités était davantage passée dans les têtes ». Comment réagissez-vous ?
Je trouve ces propos étonnants. Manifestement, Mme Lebranchu a une conception du dialogue réservée à ceux qui pensent comme elle. En ce qui la concerne, nous avons été reçus, mais nous n’avons jamais été entendus. Du côté du Premier ministre, la semaine dernière, nous avons eu l’impression qu’il y avait une écoute attentive, positive et éclairée. Mais manifestement, ce n’est pas allé jusqu’aux membres du gouvernement.
Si l’on veut à la fois nous étouffer financièrement et nous corseter législativement, il y aura des mouvements profonds organisés par les maires eux-mêmes. Si le projet de loi Notre devait rester tel qu’il est, je ne crois pas un seul instant que nous puissions rester passifs.
Propos recueillis par Franck Lemarc pour Maire Info dans son édition du 12 mars 2015.