André Laignel à la tribune du Congrès des Maires de France revient sur les enjeux et les attentes des élus locaux, piliers de la République décentralisée. Reproduction du discours prononcé en séance.
"Bonjour à toutes et à tous.
Je voudrais dire le plaisir que j’ai à vous retrouver aujourd’hui pour ce 97e Congrès de l’Association des maires de France. Je voudrais saluer les maires et avoir d'abord une pensée pour ceux qui ont cessé de l’être au mois de mars, soit qu’ils aient choisi de ne pas se représenter, soit que le sort des urnes ne les ait pas accompagnés. Tous, ils se sont consacrés, souvent pendant de longues années, à leur mission, à leurs concitoyens. On a coutume de dire « Maire un jour, maire toujours ». Je crois que l'attachement viscéral que nous partageons, cet attachement viscéral à la fonction de maire fait que quel que soit le temps du mandat que nous avons exercé, il est un jalon dans notre vie personnelle, dans notre vie publique ou privée, qui aura durablement marqué. Je voulais commencer ce Congrès en saluant tous ceux qui ne sont plus des nôtres mais qui s'y sont tant consacrés.
Je voudrais aussi, bien sûr, saluer ceux qui continuent. Qu'ils soient anciens, anciens un peu, anciens beaucoup, ou qu'ils soient totalement nouveaux. Pour les anciens, ils n'ont pas d'excuse pour appréhender la difficulté de la mission. Ils savaient ce qui les attendait. Pour les nouveaux, cela peut être parfois une découverte. Je veux donc simplement leur dire nos encouragements, leur souhaiter bon courage et, bien entendu, leur dire que l'Association des maires de France, dans sa diversité, dans ses services, est à leurs côtés pour les aider au quotidien et dans les grandes décisions, chaque fois qui le souhaiteront.
Mais ce Congrès, s'il a une importance particulière, c'est, bien entendu, parce que pour beaucoup, il est le premier, et pour tous, le premier du mandat, mais c'est aussi parce qu'il se situe dans un contexte grave, dans une période rude.
Il a été évoqué, il y a quelques instants, le dénigrement auquel nous sommes, les uns et les autres, en permanence confrontés. Mais ce dénigrement, il ne porte pas seulement sur les élus, il porte aussi sur nos personnels. Je voudrais dire ici que sans les personnels qui nous accompagnent dans chacune de nos collectivités, nous ne serions pas en capacité d'accomplir les tâches qui sont les nôtres, de répondre aux attentes auxquelles nous sommes confrontés. Je veux dire ici la profonde injustice qu'il y a à entendre des discours stéréotypés contre les fonctionnaires et, parfois spécifiquement les fonctionnaires territoriaux, alors que ce sont eux, aux côtés de leurs élus, qui sont en première ligne. Je voulais donc simplement que, tous ensemble, on rende aussi hommage au personnel territorial avec lequel nous travaillons.
Quant aux attaques à l'égard des élus, ce n'est pas parce qu'on a le cuir tanné que ces attaques sont forcément acceptables, surtout quand elles s'appuient sur un refus de la République décentralisée, quand elles sont véhiculées par un poujadisme de mauvais aloi. Il faut que chacun sache que déliter le tissu local, c'est effriter la République. Ce n'est pas acceptable.
Les conditions de nos fonctions ont rarement été aussi difficiles et je suis déjà un maire ancien. C'est vrai que nous sommes confrontés à des situations de plus en plus dures. Nous sommes l'amortisseur social de notre société et, parfois, on constate que si la crise a frappé durement notre pays, elle a été plus étouffée, plus amortie, moins difficile, même s'il y a des cas dramatiques. Si c'est le cas, c'est parce qu'il y a nos collectivités territoriales, parce que nous avons su répondre, au quotidien, aux situations les plus désespérées. Il est évident qu’en première ligne, nous sommes le premier recours et le dernier espoir, nous le sommes aussi le plus souvent.
Il y aurait mille et un sujets à aborder. Rassurez-vous, je m'en tiendrai à trois : la réforme territoriale, l'avenir des finances et le rôle que doit jouer l'Association des maires de France.
Sur la réforme territoriale, il y a bien des interrogations. D'abord, elle est parfois floue. Les textes sont en cours d'élaboration ou de débats. Mais on a le sentiment que se dessinerait un modèle région-intercommunalités qui poserait alors la question même, à terme, de l'existence de la commune. Est-il raisonnable de vouloir à tout prix éloigner le pouvoir du citoyen, de faire que région et intercommunalités, étant plus lointaines de chacun, mettent en cause la proximité qui est au cœur même de la réflexion de notre congrès ? Croyez-vous que dans ce temps de déprise démocratique, il faille que le citoyen se sente moins proche, moins en prise avec ses élus ? Je crois que c'est un contresens et qu'il faut veiller à ce que la proximité, c'est-à-dire la commune, reste ce pivot essentiel de la vie collective de notre pays. Oui, oui, vous pouvez applaudir la commune.
Cela passe par toute une série de questions pratiques, là j’étais plus, j'allais dire, dans la philosophie. Mais nous avons devant nous, des questions très concrètes qui nous sont posées et qui semblent toutes aller dans le même sens, c'est-à-dire un affaiblissement communal. Je pense à la suppression de la libre définition de l'intérêt communautaire.
L'intercommunalité, nous sommes tous pour, mais nous la voulons sur mesure. Nous ne voulons pas du prêt-à-porter. Nous voulons pouvoir la dessiner, à la fois sur la complexité de nos territoires mais aussi et surtout sur la répartition des compétences. Nous savons bien les uns et les autres qu'intercommunalité par intercommunalité, en lien avec les communes qui les composent, nous pouvons ici retenir une partie de voirie et pas l'autre, retenir une partie de l'action culturelle et pas l'autre, prendre en compte tel type de développement et pas l'autre, parce que cela correspond à la réalité vécue. Vouloir nous transmettre en bloc, massivement, les choses, c'est probablement faire reculer l'intercommunalité car si on ne nous permettait pas de la dessiner avec finesse, alors un certain nombre d'entre nous seraient conduits à reculer sur telles compétences qui ont d'ores et déjà été transférées.
C’est le transfert obligatoire de compétences et du personnel. Imagine-t-on là aussi que l'on puisse avoir la liberté de la mutualisation, si nous n'avons pas la capacité à décider à quel niveau se situe le personnel qui va la prendre en charge et qui va permettre que cela soit mis en œuvre dans les meilleures conditions ?
C'est enfin, dans les textes actuels, cette extension, j'allais dire, à la hache, à 20 000 habitants. Mais territoire par territoire, quel sens cela peut-il avoir ? Il y a des territoires où 20 000 habitants, c'est notablement insuffisant. Mais il en est tant d'autres dans nos espaces ruraux où cela n'a strictement aucune réalité concrète. Laissons la liberté. Pourquoi tailler à la serpe quand l'intelligence peut l'emporter ?
C’est aussi l'annonce d'un schéma prescriptif. Nous sommes tous pour collaborer, coopérer, travailler avec nos régions et nos départements. Mais pourquoi faudrait-il mettre une tutelle supplémentaire à travers ces schémas prescriptifs alors qu'il est absolument indispensable que ce soit une co-construction, une co-élaboration et, bien entendu, une co-mise en œuvre. Quand on nous dit qu'il faudrait un schéma prescriptif de la petite enfance au niveau départemental, mais vous croyez vraiment que c'est du niveau départemental que l'on va pouvoir décider, commune par commune, comment doit s'appliquer cette politique de la petite enfance ? Vous croyez vraiment que sur tel autre schéma qui serait au niveau régional, par exemple le tourisme, on va décider pour chaque commune ce que serait la politique touristique alors que cela appartient à l'esprit même, à la culture profonde de chacune de nos communes ? Arrêtons de vouloir tout réglementer du plan national.
C’est – bien entendu, cela revient de manière récurrente mais raison de plus pour être toujours vigilant – la généralisation de l’élection au suffrage direct des intercommunalités sans passer par le filtre du fléchage. Nous avons bien conscience, les uns et les autres, que si, demain, il y a une supracommunalité, alors c'est la commune elle-même qui serait en danger. C'est, bien entendu, inacceptable pour nous.
Alors, on entend le cœur de la pensée unique : « La commune, c’est dépassée ». Il faut dire que souvent ils ne franchissent pas le périphérique et qu'ils restent dans la seule commune de Paris. Cela donne peut-être une vision un peu étriquée du rôle et de la réalité de chacune de nos communes. Mais quand c'est un secrétaire d'Etat que j'entends dire et je cite, j’ouvre les guillemets, « Seules les intercommunalités peuvent répondre efficacement aux besoins des habitants », alors je dis très simplement non. Elles sont utiles. Elles sont même parfois indispensables. Mais les seuls qui peuvent répondre au quotidien, avec efficacité, avec proximité, j'allais ajouter avec humanité, aux besoins des habitants, ce sont les élus de chacune de nos communes.
Alors, très simplement, ceux qui voudraient la vassalisation de la commune au profit de l'intercommunalité se trompent, se trompent d'avenir, se trompent de monde, se trompent de réponse aux difficultés qui sont les nôtres. Etre moderne, c'est le contraire de cela. La commune est le niveau qui s'est le plus réformé ces vingt dernières années. Dois-je rappeler pour l'intercommunalité, que 95 % du territoire a été couvert par cette intercommunalité à l'initiative de nos communes, à l'initiative de chacune et de chacun, sans qu'il y ait besoin d'une épée préfectorale dans les reins pour avancer ? Et les 5 % qui restent étaient d'ailleurs essentiellement sur la région parisienne. C'est un simple constat, je n'oppose pas Paris et la province, rassurez-vous. Mais je constate que nous avons été capables dans nos espaces de trouver nous-mêmes des réponses. Elles sont imparfaites ? Oui souvent. Qui peut prétendre que l'on atteindrait la perfection dès la première fois ? Mais arrêtons de vouloir faire – c'est la seule fois où je préfère les Anglais aux Français – un jardin à la française : un jardin à l'anglaise correspond beaucoup mieux au principe de décentralisation.
« L’interco » : oui, un outil au service des communes et non l'instrument de leur vassalisation et de leur extinction. Faciliter les communes nouvelles, et nous avons été allants. C'est l’AMF qui a porté cette idée de commune nouvelle qui aujourd'hui peut ouvrir des perspectives à condition, bien entendu, que ce soit sur la libre volonté affirmée de chacune des communes concernées. C'est la mutualisation. C'est nous qui nous sommes battus pour que la mutualisation soit reconnue dans la loi et qu'elle soit même reconnue au niveau européen. J'en sais quelque chose. A l'époque, c'est moi, parlementaire européen, qui ai lancé une pétition européenne pour remettre en cause la position de la Commission afin que la mutualisation soit reconnue comme échappant au secteur de la libre concurrence non faussée. Oui, je crois que, pour tout cela, il faut privilégier la démocratie de proximité et, en tout cas, toujours privilégier la liberté sur la contrainte.
Le deuxième sujet que je voudrais aborder, ce sont les finances. On en parle beaucoup, mais ce n'est pas une raison pour qu'on ne s'exprime pas dessus aujourd'hui. On aura, d'ailleurs, jeudi, un débat important sur le sujet. Nous constatons tous un effet de ciseau, une érosion continue de nos moyens, une hausse des charges qui, malheureusement, ne s'est pas ralentie. L'érosion continue ne date pas de cette année. Elle a commencé il y a déjà quelques années. Le basculement s'est fait en 2009 avec, d'abord, le plafonnement de la taxe professionnelle, puis sa suppression.
Vous savez, le plus mauvais coup que l'on ait subi ces dernières années, c'est la suppression de la taxe professionnelle. Tout simplement parce que nous avions un impôt évolutif qui tournait autour de 4 % par an d’évolution et qu’on nous l’a remplacé, pour l'essentiel, par des dotations, des dotations qui sont gelées. Si vous calculez, compte tenu de la masse que rapportait la taxe professionnelle, la perte de pouvoir d'achat et d'action qui a été la nôtre sur ces années, cela représente de nombreux milliards. Mais il y a maintenant, bien entendu, la baisse de 11 milliards qui est annoncée, après la baisse d’un milliard et demi de 2014, pour les trois ans qui sont devant nous.
Toute une série d’études démontre que c'est une erreur de baisser de manière aussi drastique les moyens des collectivités territoriales. Que ce soit l'étude que nous avons rendue publique ce midi, AMF-Banque postale, qui démontre que cela entraînerait une baisse minimale de 8 % des investissements de nos collectivités sur les trois années qui sont devant nous, après une baisse de 10 % cette année, en 2014, telle qu’elle est estimée. Que ce soit l'étude qui a été faite par le Sénat et qui démontre que si cela était maintenu en l'état, à l'horizon de trois ans, de très nombreuses collectivités seraient en incapacité d'équilibrer leur budget. Cela avait déjà été établi, j'avais eu l'occasion de le dire souvent, par les chiffres de l'Observatoire des finances locales que nous animons, Charles Guené et moi-même, au sein du Comité des finances locales que je préside.
Nous comprenons tous et nous sommes tous conscients qu'il faut faire des efforts, que le pays est dans la difficulté. Mais la question que j'ai posée à de nombreuses reprises, que nous avons posée encore, Jacques et moi, récemment au Premier ministre, c’est de lui dire : « Mais, enfin, faites une étude ! ». Je suis convaincu que la baisse de 3 670 000 d’euros que l'on nous annonce pour les trois années à venir entraînera plus de dégâts économiques qu'il n’y aura d'économies réalisées en réalité. Parce que faire baisser, chaque année, les investissements dans des proportions de 8 à 10 % comme je viens de l'indiquer, cela veut dire des millions d'heures de travail en moins pour nos entreprises, cela veut dire des dizaines de milliers de chômeurs en plus, cela veut dire de la TVA en moins et cela risque de se chiffrer de manière plus grande en déficit national que ce qui aurait été uniquement comptablement réglé par cette baisse des dotations.
Dans le même temps, nous avons la hausse des charges : c'est la CNRACL, c’est l’accessibilité, c'est la TVA, c’est le Grenelle de l'environnement, ce sont les rythmes scolaires. Ça continue ! Cela a été chiffré et, là, pour une fois nous étions d’accord, Comité des finances locales et Cour des comptes, cela a été chiffré à 1 300 000 000 d’euros pour l'année 2013. Mais quand vous avez, d'une part, une baisse des dotations ou un gel et, d'autre part, une augmentation des charges contraintes – pas celles que nous choisissons parce que nous décidons d'engager des politiques – alors il est évident que c'est l'effet de ciseau.
Aujourd'hui, on nous dit qu’à ce garrot financier, on ajouterait un corset réglementaire en fixant un objectif d'évolution de la dépense locale. Alors, on nous rassure : « Ce n'est pas sanctionnable ». Enfin, au début ! Mais quel sens cela a-t-il ? Est-ce que vous croyez vraiment qu’à travers un objectif national, on peut recouvrir la situation de nos 36 700 communes, de nos 2 400 intercommunalités, chacune ayant sa spécificité, son historique, ses accumulations de biens ou de déficit ? Bref, cela n'a aucun sens si ce n'est, bien entendu, celui de vouloir montrer du doigt ceux qui ne seraient pas dans la norme.
Je crois que participer à l'effort, nous sommes d'accord pour dire tous oui, mais étouffer les collectivités, c'est un remède pire que le mal. C’est la panne des investissements. C'est l'affaiblissement des services publics. Nous sommes à plus de 13 000 délibérations qui ont relayé la motion que nous avions envoyée à toutes les communes et intercommunalités de France, Jacques et à moi-même. C'est un mouvement sans précédent. Elles continuent, d’ailleurs, à arriver, jour après jour. Cela montre une extraordinaire mobilisation, toutes tendances confondues, mais aussi tous territoires confondus. Cela va de Paris à la plus petite commune. Cela va de Bordeaux à Lille, au hasard. Bref, il y a une véritable inquiétude en profondeur pour l'ensemble de nos élus.
Des finances affaiblies, des compétences amoindries, des personnels qui sont transmis, nous ne sommes pas loin de la prévision de Monsieur Balladur qui, avec poésie (chacun sait que c’est un grand poète), avait parlé de « l'évaporation de nos communes ». Je crois que ce n'est pas une perspective à laquelle nous pouvons souscrire. Rassurez-vous ! On préserverait nos écharpes. Mais je ne pense pas que les maires aient envie de garder une écharpe qui serait devenue un hochet, ils ont envie d'avoir cette écharpe pour incarner la République.
Je le dirai très simplement : fragiliser les communes, c’est plus qu’une erreur, c’est une faute. Sans nos services publics, recul de la cohésion, du vivre ensemble, de l'amortisseur social que j'évoquais au début de mon propos. Sans nos investissements, pas de modernisation, pas de relance. Sans notre engagement, pas de politique de proximité, petite enfance, transport, logement, école, environnement. On ne réussira pas la France sans les communes.
Mais Monsieur le Premier ministre, Manuel Valls, a dit devant le Sénat récemment, en intervenant sur la décentralisation, qu’il souhaitait prendre le pari de la confiance. Je veux saluer ce souhait. Je veux que nous y répondions. Nous sommes prêts à le prendre, ce pari. Cela nécessite respect, dialogue. Je le sais capable des deux. Nos attentes sont fortes, certes, mais tout simplement, si elles sont fortes, c'est parce qu'elles sont à la hauteur de l'amour que nous portons à nos communes.
Enfin, dernier point, et pas le moindre, je voudrais évoquer l’AMF, son rôle dans les années à venir. Son rôle, je le résumerai autour de deux mots, unité et combativité.
Combativité : je souhaite qu'à l'issue de ce Congrès, dans notre résolution finale, nous demandions d'urgence l'ouverture d’une négociation entre l'Association des maires de France et le Premier ministre. Il y a un dialogue actuel entre le Premier ministre et les régions, un dialogue actuel entre le Premier ministre et les départements. Les seules qui, jusque-là, n'ont pas été invitées à avoir un dialogue bilatéral, ce sont les communes, c'est l'Association des maires de France. Je pense qu'il est tout à fait raisonnable de faire cette demande.
Alors, doit-on dire « si nous n'étions pas entendus » ? Je n’ose le penser, mais si nous n'étions pas entendus, alors il conviendrait que nous nous mobilisions à nouveau. J’évoquais nos plus de 13 000 délibérations. C'est un premier mouvement, je le répète, un premier mouvement sans précédent par son ampleur dans l’histoire des communes de France. S’il fallait trouver d'autres formes pour se faire entendre, il conviendrait, bien entendu, à notre Bureau, dans sa diversité, d'en trouver les voies et les moyens.
Le deuxième sujet, c'est l'unité. Elle aussi repose sur deux mots, parité politique et loyauté au quotidien. C'est le choix que nous avons fait. Il n’était pas évident. Il n’était pas simple, mais nous avons pensé d'abord, Jacques Pélissard et moi, après en avoir parlé, que dans la situation à laquelle nous sommes confrontés, l'essentiel était d'avoir l'unité de l'Association des maires de France.
Cela ne retire rien, mes chers collègues, aux différences qui sont les nôtres. Je suis de gauche, socialiste et fier de l'être. Beaucoup d'entre vous ne le sont pas. Ils sont sans doute fiers de ce qu'ils sont, mais le dialogue entre nous est l'essence même de l'Association des maires de France, association pluraliste. A partir du moment où cette unité se fait dans le respect, dans la loyauté, dans l'équilibre, au quotidien du fonctionnement de notre institution, je pense que c'est la meilleure manière d'avancer.
Cette AMF, unie et combative, assumant son pluralisme et la liberté de chaque partenaire, est le gage de notre efficacité et je souhaite que cette unité, cette combativité, nous la portions ensemble.
Cette action, elle nous a permis, ces dernières années, de développer, selon l'expression qu'aime employer Jacques Pélissard, une AMF puissante. Cela a été fait par un accord et avec le soutien permanent du Comité directeur et du Bureau. Je voudrais ici les remercier, les uns et les autres. Nous avons eu parfois des débats complexes, mais nous sommes toujours parvenus à sortir par le haut, avec des propositions, avec une volonté au service de nos communes et de nos concitoyens.
A ce moment, vous me permettrez de dire un mot de Jacques Pélissard. Cela fait, mon cher Jacques, dix ans que nous travaillons ensemble. Cela n'a pas toujours été facile. On vous mentirait si on disait cela. On peut dire qu’il y a eu des affrontements, mais des affrontements sur les idées, jamais des affrontements d'hommes. Il y a eu des contradictions. Il y a même eu des blocages, mais nous avons appris à travailler ensemble parce que nous étions animés de cette même volonté, de ce même souci permanent, de faire que l’AMF puisse continuer à avancer, de faire que l’AMF puisse vous représenter tous dans votre diversité et soit capable de porter une voix claire chaque fois que c'était nécessaire pour être entendu, quels que soient, sur les dix ans, les gouvernements et les majorités qui étaient en place.
Mon cher Jacques, nous avons non seulement appris à travailler ensemble, mais j'ai appris à t’apprécier et j'ai appris tout simplement que l'amitié existait entre nous et cette amitié a été construite au jour le jour.
Vous l'aurez compris, un vieux compagnonnage, mais toujours vivant, et dont j'espère qu'il continuera sous d'autres formes car l'amitié, elle, ne s'arrête pas avec la fin d'un mandat, fût-il celui de président de l’AMF.
Pardonnez-moi mais, après tout, on a bien le droit de laisser l'émotion parler de temps en temps. Nous ne sommes pas que des élus, nous sommes d'abord des hommes élus, et des femmes, qui avons des sentiments. Cela peut parfois transgresser les rives mais quand on nage dans le même sens, qu’on sait épouser le courant pour atteindre le but, alors je crois qu’on agit bien.
Beaucoup a été fait, mais nous sommes bien conscients que, et je termine par là, l'essentiel est devant nous. Cet essentiel, c'est de garantir et de renforcer l'avenir de la commune. C'est une tâche immense, passionnante mais incertaine. Elle nécessite notre total engagement et une mobilisation sans précédent.
Tout à l'heure, André Rossinot a cité Jean Jaurès. Vous me permettrez d'en faire autant, d'autant plus que nous avons commémoré en 2014 le 100ème anniversaire de l'assassinat de Jaurès. Jaurès a écrit : « L'histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l'invincible espoir ». Cet invincible espoir, mes chers amis, mes chers collègues, cet invincible espoir en l'avenir de la commune, ce que je vous propose, avec, j’en suis persuadé, tout le monde, c'est de le porter ensemble avec conviction et avec audace.
Merci à vous."
photo : Aurélien Faldy/AMF