L’utilisation de l’article 49 alinéa 3 laisse désormais le soin au Gouvernement de bâtir seul le budget 2023. Ce mépris affiché pour la délibération parlementaire aura donc au moins l’avantage d’opérer comme un révélateur des intentions réelles de l’exécutif, loin des déclarations de bonne volonté.
Et s’il est un sujet sur lequel la réponse du Gouvernement était attendue, c’est bien celui de la situation très préoccupante des finances locales. Aujourd’hui de nombreuses collectivités, et particulièrement des communes, rencontrent de réelles difficultés à boucler leurs budgets du fait de l’explosion des charges. Envolée des prix de l’énergie, dégel légitime du point d’indice, renchérissement des chantiers, hausse du prix des denrées… : les surcoûts se télescopent et placent les élus locaux dans une position intenable.
Car derrière les chiffres abstraits pour beaucoup, il y a une menace concrète pour tous : la dégradation voire la fermeture des services publics, pourtant essentiels en période de crise. Sans parler de l’effondrement à venir de l’investissement public local, qui est indispensable tout autant pour la relance économique que pour la transition écologique. Or, des communes qui toussent aujourd’hui, c’est le pays qui se grippe demain.
Face à cela, quelle réponse apporte ce Gouvernement dans le budget pour répondre aux besoins urgents des collectivités ? Rien, ou si peu.
Le seul amendement relatif aux collectivités que la Première ministre a daigné conserver concerne le prétendu « filet de sécurité ». Il s’agit en fait d’une version réemballée du dispositif voté l’été dernier, et dont nous avons rejeté le décret d’application en Comité des finances locales (CFL). La logique demeure la même : un soutien limité à un nombre restreint de collectivités, dont on ne connaitra la liste qu’à la fin de l’année prochaine, et qui ne couvre qu’une petite partie des charges supportées. C’est complètement au-dessous des besoins actuels, et beaucoup risquent au final de se casser les dents sur ce « faux filet ».
En tant que président du CFL, j’ai plusieurs fois formulé des propositions précises pour aider les collectivités à franchir le mur d’argent qui se dressent face à elles. Ces propositions constituent autant de lignes rouges, pourtant aujourd’hui délibérément franchies par le Gouvernement dans ce PLF :
- l’indexation de la DGF sur l’inflation. La situation impose de revenir à l’indexation de la DGF comme jusqu’en 2010, afin de préserver les ressources locales. Toutes les collectivités sont touchées par les surcoûts et les mécanismes de ciblage sont excluant et décourageants.
- le maintien de la CVAE. Supprimer un impôt qui ne pèse pas sur la production, qui grèvera de 9 milliards le budget de l’Etat et qui va rompre le nécessaire lien fiscal entre entreprises et territoires, constitue une aberration financière autant qu’économique.
- le bénéfice des tarifs réglementés de l’énergie à toutes les collectivités. L’explosion des charges d’électricité et de gaz est aujourd’hui la plus lourde pour les budgets locaux. Il est urgent pour la préservation des services publics de protéger les collectivités contre ces hausses.
Le combat se poursuit désormais au Sénat et j’appelle tous les membres de la chambre des territoires à peser de tout leur poids pour infléchir sensiblement la copie du Gouvernement. Je forme le vœu que les sénateurs confirment, à la suite des députés, le rejet des funestes contrats de Cahors prévus dans le projet de loi de programmation des finances publiques.
André LAIGNEL