« Cela relève plus de l'exagération »

André Laignel estime à une dizaine les collectivités locales menacées par les emprunts toxiques de Dexia. Il assure que les collectivités sont bien gérées.

 

Hier, Libération titrait à la une : « Dexia, la banque qui a ruiné 5.000 communes ». L'établissement bancaire qui était, jusqu'à 2008, le partenaire privilégié des collectivités locales pour leurs investissements a contracté une série de prêts qualifiés de toxiques avec plus de 5.000 collectivités en France. Des emprunts mixtes - une part fixe et une part variable indexée sur la parité euro-franc suisse - qui auraient généré des taux d'intérêts démentiels suite à la crise des marchés financiers. Le quotidien s'est procuré une liste de ces collectivités qui, en 2009, voyaient ainsi leurs dépenses d'investissement exploser.

 
'' Du grand guignol ''

« Cela relève plus de l'exagération, du grand guignol que de la réalité », fustige André Laignel, maire d'Issoudun, secrétaire de l'Association des Maires de France et président de l'Observatoire (public) des finances locales. Depuis 2009, les élus ont renégocié leurs prêts. « Les collectivités locales sont hors du circuit de la faillite puisqu'elles sont tenues de payer leurs intérêts. Le seul risque, c'est d'avoir dans quelques dizaines de communes des augmentations d'impôts élevées. » Pour le président de l'Observatoire, il y aurait une dizaine, voire quelques dizaines de collectivités tout au plus qui seraient en réelle difficulté aujourd'hui. « On nous parle de Saint-Étienne, de la Seine-Saint-Denis, de Saint-Tropez. » Mais guère plus. Des enquêtes qu'il a fait partir à ce sujet, il n'a eu que très peu de retours. « Il y a une volonté - je ne sais de qui - de répandre un affolement par rapport à une situation des collectivités locales qui, au contraire, est totalement saine. » André Laignel insiste. « Il faut savoir que le poids de la dette, toutes collectivités territoriales confondues, c'est moins de 10 % de la dette de la France alors que nous représentons 71 % des investissements publics. » Néanmoins, depuis quelques mois, les collectivités connaissent d'importantes difficultés pour financer leurs investissements. Refus des banques, obligation d'emprunter dans plusieurs banques pour obtenir la somme désirée, taux très élevés... c'est aussi pour cela qu'elles ont décidé de créer un établissement de financement complémentaire. Le temps presse pour André Laignel. Dans un rapport qu'il vient de rendre, il estime « qu'il y a probablement un déficit de 3 ou 4 milliards, voire plus, d'emprunts qui vont manquer aux collectivités d'ici la fin de l'année. »
 
4 milliards d'investissements en moins

Les collectivités locales peuvent emprunter uniquement dans le but de financer leur investissement. Pas leur fonctionnement. « Cela veut donc dire que ce sont 3 à 4 milliards qui ne seront pas investis dans l'économie nationale donc in fine des entreprises qui vont se retrouver en panne parce que les investissements risquent de ne pas être réalisés. »
De son côté, Dexia a réagi hier en jugeant les informations de Libération « inacceptables », les qualifiant de données « erronées et tronquées ».Selon la banque, « l'article assimile de façon abusive les crédits structurés à des crédits toxiques et fait état de chiffres fantaisistes qui ne reflètent aucunement la réalité. »

Propos recueillis par Olivier Pirot
 
Nouvelle République - 22.09.2011