André Laignel : Socialiste quoi qu'il arrive.

Quelques semaines après la débâcle socialiste, [la rédaction de la Nouvelle République a] souhaité faire le point avec André Laignel sur la “ refondation ” possible ou non du PS.

 

Avec quelques semaines de recul, vous en voulez toujours autant à François Hollande de cette déconfiture du PS ?

« Je ne lui en veux pas. Je n'ai pas ce genre de sentiments. Je constate l'échec. Un échec dû à la politique erronée sur le plan économique et à une absence de parole tenue. Mais je n'oublie pas que de belles choses ont été faites, en termes de justice et d'évolution de la société. »

 

Les frondeurs ne l'ont pas épargné et lui ont rendu la vie impossible. N'est ce pas également une raison du vote sanction des Français ?

« Oui, bien sûr. Quand une famille est désunie, cela a toujours un effet néfaste. Il y a une part de responsabilité des frondeurs, mais aussi de la majorité. Personne n'a su se mettre autour d'une table pour trouver des points d'accord. »

 

On reparle beaucoup du Congrès d'Epinay de 1971 comme acte fondateur. Mais, aujourd'hui, comment un rassemblement des gauches est-il possible ?

« Il y a deux conditions pour que le camp du progrès puisse à nouveau avoir la confiance des Français : l'unité, l'union de toute la gauche et un projet de justice sociale dans une France qui regarde vers l'avenir. Pour réunir ces conditions, cela va sans doute demander plusieurs années. N'oublions pas qu'en 1993, la gauche subissait une défaite presque aussi grande qu'aujourd'hui et, qu'en 1995, elle gagnait les législatives. »

 

Début mai, Stéphane Le Foll parlait déjà de la refondation du PS. Les scores de la présidentielle et des législatives ont visiblement accéléré le mouvement, vous ne croyez pas ?

« Dire qu'il ne faut pas changer les choses est tellement absurde que la question ne se pose pas. Oui, mais faut-il pour cela renoncer à être nous-mêmes ? Certes, pas. Socialistes, nous sommes. Socialiste, je suis et resterai. Et, derrière un mot, il y a la vie. Et la vie fait que chacun de nous a évolué. C'est ce que nous devons faire. »

 

Vous êtes très philosophe ?

« En ce moment, c'est nécessaire, mais c'est le fond de ma pensée. Je vois trop de gens qui se battent à coup d'anathèmes. J'ai envie, résolument, de me tourner vers l'avenir. »

 

Vous travaillez, avec d'autres, à la refondation du PS : qu'est ce que cela signifie ?

« Je ne sais pas si le mot refondation est le bon mot. Adaptation, actualisation… La défaite a été très lourde, mais le PS n'est pas mort. Il y a encore quelques milliers de militants. Cette gauche existe et c'est sur elle qu'il faut reconstruire. »

 

Anne Hidalgo, Martine Aubry, Jean-Christophe Cambadélis, vous… On prend les mêmes et on recommence ?

« Non, il y en a des centaines d'autres. Les maires de Nantes, Rennes, Bourg-en-Bresse… Je pourrais vous citer toute une nouvelle génération. La réussite d'un pays, c'est aussi de savoir s'unir dans le temps avec ceux qui apportent l'expérience, et d'autres la fraîcheur. »

 

Anne Hidalgo a lancé Dès demain, un mouvement de citoyens pour « agir ». Le premier acte de la refondation, mais pour faire quoi ?

« Pour réfléchir à l'avenir tout en gardant notre engagement : le socialisme peut se résumer en deux mots : justice sociale ! »

 

De leur côté, Yann Galut et François Kalfon ont lancé l'initiative La Gauche nouvelle. Vous les soutenez ?

« Oui, bien sûr. Il est bien que cent fleurs jaillissent. Ce qu'il faut à un moment, c'est d'en faire un bouquet. C'est que tout cela converge. Qu'il y ait des lieux de réflexion, d'imagination, d'innovation, à condition qu'ils s'unissent. »

 

Sans compter Benoît Hamon qui lance son mouvement ce samedi à Paris, vous y serez ?

« Non mais j'aurais pu y être. Cela prouve que tout le monde a envie de réagir et de répondre aux espérances. »

 

Si chacun agit de la sorte, vous n'êtes pas prêt de travailler collectivement ?

« Toute initiative qui va dans ce sens est la bienvenue. Mais si c'était pour recréer je ne sais quelle écurie à vocation de telle ou telle personne, je n'en serais pas. Je ne fais pas parti des grenouilles qui se cherchent un roi. Mais je suis convaincu que toutes ces initiatives montrent des lignes de force commune et que c'est de cette façon que nous rassemblerons les forces de gauche. »

 

N'est ce pas un entêtement ? Certains socialistes, comme le député des Hauts-de-Seine, Alexis Bachelay, estiment que la reconstruction de la gauche ne passera pas par le PS ?

« Chacun sa réflexion. Moi je suis né à gauche, je mourrai à gauche. L'idée socialiste était déjà présente dans certains textes des Lumières. Tout cela ne se balaie pas. Et puis, peu importe le nom. Ce qui m'intéresse, c'est le fond. »

 

Mais vous, où vous positionnez-vous avec tous ces courants ?

« Je ne mets aucun préalable. Il faut pouvoir en débattre, sinon on se condamne à regarder la droite déconstruire la justice et le droit social. Je suis à disposition et je ne revendique aucun titre. Je travaille avec François Rebsamen à l'Université de la Rochelle de fin août. »

 

Et si le Parti socialiste disparaissait ?

« Je n'y crois pas. Mais si tel était le cas, alors, je serais un socialiste libre ! »

 

Propos recueillis par Emmanuel Bédu

Article publié dans l'édition du samedi 1er juillet 2017 de la Nouvelle République