"Nos services communaux font vivre le principe républicain de laïcité"

Interview d'André Laignel dans les Colonnes de Communes de France (septembre  2015) pour faire un point d'étape du groupe de travail en faveur de la Laïcité initié à l'initiative de l'Association des Maires de France.

 

-Après plusieurs mois de travaux et d'auditions, l'AMF a publié ses propositions en faveur de la laïcité. Quelle en est la philosophie générale et quelles en sont les grandes lignes ?

Les évènements tragiques de janvier 2015 ont donné une actualité singulière à ce groupe de travail

La laïcité, depuis plus d’un siècle, revêt un double sens. C’est un mode d’organisation juridique et politique de la société : la « laïcité – séparation », issue de la loi de 1905, à laquelle l’AMF rappelle son attachement en l’état ; mais c’est aussi une approche philosophique du vivre ensemble, que l’on peut qualifier d’humaniste parce qu’elle ne se réfère à aucun dogme religieux, ni à aucune vérité «révélée », et qu’elle n’est soumise à aucun appareil religieux.

Nous rappelons ainsi que la laïcité est avant tout un principe de concorde et qu’elle n’est l’apanage d’aucun groupe de pensée.

La laïcité est consubstantielle à la République, issue de ses textes fondateurs, et ne saurait souffrir d’aucun qualificatif (ouverte, fermée, à la française…) dont ceux qui veulent l’affaiblir l’affublent souvent.

La laïcité assure la liberté absolue de conscience, consacre des droits égaux pour toutes et tous, sans tenir compte de leurs origines, de leurs croyances ou de leur absence de croyance, et permet de maintenir la sphère publique (élus et personnes dépositaires de l’autorité publique, agents publics, bâtiments publics, domaine public, services publics) dans une neutralité stricte mais respectueuse.

Il convient enfin d’affirmer cette évidence que la stricte application du principe de laïcité n’est tournée contre aucune religion en particulier, elle est garante de la non-discrimination et de l’égalité et elle permet à chacun de vivre ses convictions philosophiques et religieuses, sa croyance ou sa non-croyance, dans un cadre commun apaisé.

 

-Restauration scolaire, sorties scolaires, activités sportives figurent parmi les sujets sur lesquels les maires préconisent des évolutions sensibles. La proximité des maires avec la réalité du terrain explique-t-elle qu'ils soient sur ce point demandeurs de règles striges et claires, contrairement aux positions des experts et observateurs parfois dans le déni de la réalité ?

Ce groupe de travail s’est vu, dans un premier temps, confier la mission de concevoir une « boîte à outils » de la laïcité à destination des maires de France mais aussi de produire une réflexion plus vaste à destination du législateur et du gouvernement. Dans un second temps, il poursuivra un travail de veille et de sensibilisation au bénéfice des maires.

La production d’un guide à destination des maires à partir d’exemples concrets a permis d’aborder et de borner les thématiques de l’école, la restauration scolaire, les crèches, l’encadrement des activités, les tenues et autorisations d’absences, le financement des associations, les activités sportives et culturelles, les lieux de culte et de sépulture.

 

-L'AMF va saisir plusieurs ministères (Education nationale, Sports, Fonction publique, Intérieur). Est-ce à dire que vous souhaitez que la puissance publique nationale, l'Etat en l'occurrence, laisse les maires moins démunis localement pour répondre aux besoins ?

 Il s’agit aussi, lorsque cela semble nécessaire, de proposer des pistes de réflexion afin que notre cadre législatif ou règlementaire évolue dans le sens d’une meilleure prise en compte du principe de laïcité.

Le principe de neutralité des élus, des agents publics, des bâtiments publics est fondamental. Aussi soucieuse de la règle homogène sur le territoire, l’AMF interpellera la Ministre de la Fonction Publique comme la Ministre de l’Intérieur sur l’hétérogénéité des décisions jurisprudentielles, concernant par exemple des crèches de Noël en mairie ou dans des bâtiments publics. Le cas échéant, une clarification législative nous semble souhaitable sur ce sujet comme d’autres.

 

-Quelles suites allez-vous donner à ces travaux ? Faut-il s'attendre à ce que le thème de la laïcité devienne récurrent dans l'activité de l'AMF ?

Les travaux ne s’achève pas avec un premier vade-mecum issu ce  groupe de travail  : ils se poursuivront pour étudier plus avant l’application de la laïcité dans les régions ou départements concernés par des régimes de cultes particuliers (les régimes d’Alsace-Moselle et des Outre- mer qui n’ont pas pu être évoqués dans un premier temps), rencontrer les représentants des autres cultes, continuer à œuvrer pour les modifications qui paraissent opportunes et ainsi enrichir les conseils apportés par l’AMF à ses adhérents.

Le groupe de travail préparera également le Congrès de l’AMF de novembre 2015 au cours duquel un atelier sera consacré à la laïcité.

Il s’attachera enfin à inciter à une meilleure formation des personnels communaux et intercommunaux, à une meilleure information des élus eux-mêmes, à l’implication effective des relais locaux de l’Etat pour un meilleur conseil aux élus sur ce sujet.

Les premiers magistrats des communes ont donc la responsabilité de faire vivre ce principe républicain de laïcité, jour après jour, au sein de leurs mairies, au sein des services publics communaux et cette tâche, parfois compliquée, parfois ingrate, doit être reconnue et soutenue.

L’AMF a donc validé la réflexion pluraliste, sereine, constructive et sans a priori que le groupe de travail a menée et continuera de mener, la laïcité ne souffrant pas qu’on l’aborde sans un minimum de connaissance, de raison et de subtilité. Elle a donc vocation à être universelle.